Une Interview de Paulo Grobel pour présenter une conférence sur la CSV, à Chambéry le 4 Avril 2024.
Cette présentation de la CSV dans le cadre de la commémoration des 100 ans du Club Alpin Français, a une dimension politique importante. Elle positionne la CSV non pas uniquement comme un outil des sports de neige, mais comme une démarche transversale commune à toutes les activités du CAF, quelque soit la saison.
Et c’est un sacré changement de perspectives et d’enjeux.
Cette conférence a également permit l’emergence d’une CSV générique, comme outil global de gestion d’une activité, ce qui permettra à toutes les commissions d’activité de la FFCAM de se saisir de cette réflexion et de l’adapter à leurs formations.
Avril 2024 est donc une date importante pour la Cartographie Systémique des Vigilances.
Des Alpes à l’Himalaya, la Cartographie des Vigilances et la FFCAM
« Guide de haute montagne fortement impliqué dans le milieu associatif, Paulo Grobel et tout un groupe de passionnés ont développé une méthodologie pour mieux prendre en compte le facteur humain dans la préparation des sorties neige.
Lors de sa conférence, avec Dominique Ansel, « Des Alpes à l’Himalaya, la Cartographie des Vigilances, comme outil de prévention pour les activités de la FFCAM » jeudi 4 avril 2024 à Chambéry, il nous démontre qu’elle peut s’appliquer à toutes les activités de montagne.
« En quelques mots qu’est-ce qu’une cartographie systémique des vigilances ?
Paulo Grobel : C’est une démarche participative de préparation de sortie qui se base sur l’échange et l’implication des participants en amont de l’activité. Le fruit de cette intelligence collective est retranscrit de façon graphique sur une feuille pour donner ce qu’on appelle une Cartographie Systémique des Vigilances (CSV). Cette CSV implique plusieurs changements de paradigme : tout d’abord, une sortie, ça se prépare, ça se vit, et ça s’analyse pour que les pratiquants puissent ensuite capitaliser sur ce retour d’expérience. Deuxièmement, cette démarche s’appuie sur l’implication de l’ensemble des participants dans la préparation de la sortie. La CSV est radicalement centrée sur l’humain.
Quelle est l’origine de la CSV ?
P.G : Au départ, l’outil a été développé comme une aide à la réflexion sur la nivologie, en préparation des sorties neige. La question qui se posait était comment prendre en compte le facteur humain, ce que les outils tels que Skitourenguru ou CRiSTAL ne faisaient pas. En effet, on sait depuis les années 2000, que les processus décisionnels comportent des biais cognitifs liés à l’activité humaine. Le travail a été d’essayer de prendre en compte ce paramètre humain. Mais la CSV va finalement bien au-delà de cette notion de biais, elle remet l’humain en tant que pratiquant au cœur des activités, avec ses attentes, ses besoins, ses profils, ses inquiétudes, ses enthousiasmes… C’est un outil du « faire ensemble ». Dans une sortie il n’y a donc pas que des questions de nivologie, de météorologie, de matériel… Mais un ensemble d’autres réalités, et d’autres risques, qu’il faut prendre en compte.
Comment cette CSV peut s’appliquer à toutes les activités de montagne que proposent nos clubs, comme le suggère le titre de votre conférence ?
P.G : Au delà du ski de randonnée, lees autres disciplines, trail, canyon, grimpe, etc., sont, elles aussi, des activités humaines à risque.
Comme les activités neige, elles répondent à des réalités systémiques très complexes. Entrer dans une démarche participative pour préparer la sortie permet naturellement de construire une réalité de qualité. La CSV peut d’ailleurs s’apparenter à une démarche qualité. Elle est inspirée de la roue de Deming, un modèle employé en entreprise, qui intègre un schéma d’amélioration continue dans le processus de production. Cette démarche qualité qui consiste à préparer, réaliser, analyser et capitaliser sur le retour d’expérience peut donc se décliner sur toutes les activités, de l’entreprise, à la pratique de la montagne, et certainement à l’ensemble de nos vies.
Quelles sont les limites de la CSV ?
P. G : Les principales difficultés sont liées à la nature humaine, à la résistance au changement. La CSV nécessite de changer de paradigme, apprenons à faire ensemble les activités, là où les encadrants, les guides ou tous autres acteurs référents ont l’habitude d’être dans un modèle vertical, d’emmener. Cela demande des efforts, du temps, de l’apprentissage pour arriver à verser dans cette démarche participative, à la fois horizontale et verticale, et de ne pas laisser les enjeux de pouvoir et d’ego interférer.
Il est pourtant naturel pour un participant de se mettre en retrait face à un encadrant plus expérimenté et formé ?
P. G : Par rapport à ce diktat de la compétence et des leaders, on sait en nivologie (grâce à Franck Debouck) que les experts se trompent, et se trompent souvent, comme chacun d’entre nous ! Le leadership pur est donc également un facteur de danger. Dépasser cette réalité est une manière de vivre différemment les activités, d’enrichir l’expérience de tous. Ce n’est pas remettre en cause le leadership, mais au contraire l’associer à un membership, pour faire émerger une vision de l’ensemble des risques pouvant exister dans une sortie. Plus largement, cet outil du faire ensemble correspond aux objectifs et aux valeurs profondes des réalités associatives, qui sont le partage, l’apprentissage, le faire ensemble, la co-responsabilité, etc.
Dans cette démarche, les participants ne sont plus consommateurs d’activités de montagne, mais bien acteurs de leur pratique. »
(Un texte de Barbara Satre, publié sur les réseaux sociaux de la FFCAM)