LA VIGILANCE PENTE DE NEIGE
Un article en juin 2022 sur mon site web personnel avait posé les premiers éléments de cette vigilance importante de la CSV Alpinisme.
http://www.paulogrobel.com/csv-pente-de-neige/
Il était nécessaire d’actualiser ce contenu technique et de réunir dans un site dédié à la Cartographie Systémique des Vigilances toutes les ressources de référence de la CSV Alpinisme (et randonnée alpine).
En juillet 2024, un document très complet de l’ENSA pour la formation initiale des aspirants-guides sur l’assurage en mouvement a servi de base pour ce nouvel article. Le document de l’ENSA est le fruit d’une collaboration avec l’équipe de formateurs des guides suisses, il intègre également le nouvel outil pédagogique Guidoss de l’ENSA, inspiré de DCMR. C’est donc un document technique (et pédagogique) à destination des professionnels, alors que la Cartographie Systémique des Vigilances s’adresse à l’ensemble des pratiquants de l’alpinisme, quel que soit le type de pratique (amateur, associatif ou professionnel) ou les compétences (premier ou second de cordée). Des différences d’analyse sont donc logiques entre les deux documents, en particulier sur la notion d’implication des participants dans la sortie (le Faire Ensemble) et les différentes postures/compétences du leader (guider, former, accompagner un projet).
Cet article sur la vigilance Pente de neige est également un document provisoire puisqu’une dynamique de Recherche-Action est en cours pour cette CSV Alpinisme.
Nous vous invitons à enrichir cette réflexion en prenant contact avec le groupe de travail sur la CSV, en utilisant la page contact de ce site internet ou en postant un commentaire.
De la CSV générique à la Carto des Vigilances Alpinisme.
La CSV générique est le point de départ de toutes les CSV spécifiques de chaque activité.
Pour passer à une CSV Alpinisme, il est nécessaire de définir les principaux dangers de l’activité, ce seront les vigilances à prendre en compte, liées aux différents terrains parcourus.
https://www.csv-news.com/2024/05/05/csv-alpinisme-a/
Un petit rappel...
La Carto des Vigilances, comme outil de prévention, nous invite à organiser notre temps.
- Le temps de la préparation avant la sortie avec tous les participants,
- le temps sur le terrain pour observer, échanger et prendre les meilleures décisions possibles,
- le temps après la sortie pour en faire l’analyse, pour la préparation comme pour le déroulement et le ressenti des participants.
La taille de la cordée, du groupe ?
Assurer correctement une personne dans un terrain alpin est un exercice difficile qui demande aisance, compétences, attention et collaboration de l’ensemble des participants. Assurer plusieurs personnes complexifie encore plus cette tâche.
Pour une pratique amateur ou associative, il nous semble souhaitable d’évoluer le plus possible en cordée de deux personnes.
Dans le cadre d’un groupe de plusieurs cordées en autonomie partagée, deux cordées de deux représentent la taille idéale, trois cordées semble un maximun (pour faciliter la communication, la réversibilité, une fluidité de la progression…, etc).
Sur un itinéraire très simple, quatre cordées peuvent encore se concevoir car le Danger est limité à cause de la faible pente, cette vigilance ne s’applique donc pas (exemple, Tête Blanche à partir du refuge Albert 1er). Mais, à 8 personnes, la taille du groupe ne permet plus de réaliser correctement une CSV.
Bien évidemment, cette remarque nécessite un questionnement sur les compétences du/des leader, les attentes des participants, la nature du projet, le choix de l’itinéraire, la réversibilité des cordées. Bref, beaucoup de sujets qui peuvent être abordés grâce à la Carto des Vigilances
LES DIFFÉRENTS MODES DE VIGILANCES PENTES DE NEIGE ET L’EVALUATION DES CONSÉQUENCES D’UNE GLISSADE.
Parcourir des pentes de neige est très fréquent en montagne, c’est également le terrain où il y a le plus d’accidents. Cette vigilance est donc particulièrement importante et doit s’accompagner d’apprentissages réguliers, de tous les membres de la cordée pour à la fois augmenter l’aisance individuelle et les compétences d’assurage.
L’analyse précise du Danger et des Conséquences d’une glissade sont primordiales. L’inclinaison de la pente est le premier critère à prendre en compte, il est relativement simple à évaluer.
Il permet de déterminer et de représenter trois modes de vigilance :
• Des pentes de neige faible (en-dessous ou aux environs de 30°), en vert. Elles seront parcourues parfois/souvent sans corde.
• Des pentes de neige modérées (de 30° à 40°), en jaune. Elles seront le plus souvent parcourues en progression « à corde courte ».
• Des pentes de neige fortes à très fortes (à 45°/50° et plus), en rouge. Elles seront le plus souvent parcourues en progression par longueurs.
Des critères complémentaires sont à prendre en compte comme la dureté de la neige, la fréquentation et la trace (inexistante, marquée ou confortable)).
Et surtout l’exposition d’un passage où de l’itinéraire.
- Quelle est la longueur de la pente ?
- Quelle est la dureté de la neige ?
- Quelle est la nature du terrain, de la réception ?
- Pourrai-je arrêter une glissade ?
Ces quatre questions permettent de qualifier le C de DCMR (pour conséquences). Les conséquences d’une chute sont indissociables de la définition du Danger, elles nécessitent du temps pour l’analyse et des efforts de communication avec l’ensemble des participants. Cette analyse permettra de déterminer les Mesures à prendre pour la progression de la cordée et leurs adaptations à tout changement.
La notion d’engagement.
Face à une situation donnée, notre capacité à nous engager (ou non) dans un passage, « à risquer notre vie » (ou notre intégrité) est un élément clef de la pratique de la montagne. Cette notion d’engagement a été mainte fois questionné et débattu dans la littérature de montagne.
Identifier un passage exposé, l’analyser et prendre la décision d’y aller ou pas, de s’engager ou pas est à la fois une question individuelle et groupale.
Durant la préparation, utiliser la CSV avec DCMR permet d’aborder sereinement ce sujet, ce qui devrait faciliter la prise de décision, l’organisation et le vécu du groupe sur le terrain. La méthode DCMR permet d’analyser et de décider de la manière d’évoluer, c’est un apport important de la nivologie qu’il s’agit d’adapter à l’alpinisme.
Je vous invite à lire cet article daté de l’hiver 2023.
Cette notion d’engagement représente le R (Risque) de DCMR ou, exprimé plus clairement :
- Quel est le risque au final, en utilisant telle mesure ?
- Est-il acceptable/accepté pour chaque personne et le groupe ?
Les facteurs humains sont donc très présents dans cette vigilance.
Pour le risque de chute, une CSV très précise et bienveillante peut faciliter l’expression des inquiétudes, des difficultés, mais aussi des compétences (ou incompétences de chacun), pour favoriser également une collaboration entre les participants.
Durant la préparation…
Il est relativement simple d’avoir une idée de la raideur de la pente en utilisant la carte des pentes avec une application de cartographie. Comme pour une activité hivernale, ce type d’application est « nécessaire » pour tous les participants, elle fait également partie des outils de la vigilance Sentiers/hors sentier de la CSV Randonnée.
Avec les informations météorologiques disponibles, il sera également possible de faire une hypothèse sur la dureté de la neige.
Cependant, ce n’est que sur le terrain qu’il sera possible de se rendre compte des conditions réelles :
- pente réelle,
- présence de trace,
- qualité des marches,
- dureté de la neige.
Cette analyse précise de la situation permettra de décider de l’utilisation ou non de la corde et du mode de vigilance.
La définition du projet et la case "participants" de la CSV générique sont particulièrement importantes pour cette vigilance Pente de neige, car les dimensions humaines et groupales y sont très présentes
LE PREMIER MODE DE VIGILANCE, « MARCHE SANS CORDE » (en vert).
Quand une pente de neige présente peu de danger et peu de conséquence, il est intéressant de se questionner sur l’utilisation ou non de la corde, comme Mesure de sécurité. Marcher sans corde permet d’augmenter notre aisance, qui est aussi la compétence de base pour pouvoir ensuite évoluer une corde à la main en assumant une fonction de 1er de cordée, ou pour être simplement à l’aise au sein de la cordée.
La nuance apportée à ce mode de vigilance concerne l’organisation du groupe.
Dans un terrain simple et peu exposé, chacun évolue "pour soi" (en mode individuel), mais quand la situation se complexifie, il peut être judicieux d’organiser une collaboration mutuelle entre les participants du groupe, par exemple un fonctionnement par binôme où l’un porte attention à l’autre, éventuellement pour une présence, des conseils. C'est la stratégie de l’ange gardien. Il peut se positionner soit devant, soit derrière la personne à accompagner. La corde peut également être préparée à l’avance et kitée dans le sac, immédiatement disponible si nécessaire. Les participants auront aussi mis leur baudrier et bien sûr le casque.
Ce changement de paradigme d’un fonctionnement de groupe à la constitution de binôme/de cordée marque le passage à l’Alpinisme (pour l’activité randonnée alpine). Les facteurs humains ou plutôt toutes les dimensions humaines et de fonctionnement de groupe sont bien présentes dans ce style de pratique et nécessitent une attention bienveillante (voir également ce chapitre dans la vigilance terrain rocheux facile).
LE DEUXIEME MODE DE VIGILANCE, « MARCHE À CORDE COURTE » (en jaune).
Les deux membres de la cordée marchent ensemble, reliés par la corde. Le leader est capable d’assurer le second de cordée, cad de retenir un déséquilibre, tout en marchant.
La corde disponible est d’environ 4 m pour permettre de confectionner un ou deux anneaux à la main pour faciliter les changements de direction. Ces anneaux sont réalisés dans la main aval (la main amont tenant le piolet) et fermés par un tour mort, une queue de vache ou une clef.
Les membres de la cordée progressent très proches l’un de l’autre, 1m50 à 2 m. La tension de la corde varie en fonction de la situation, de très tendue à un peu relâchée et nécessite une communication, une collaboration apaisée.
Comme en rocher facile, la notion de micro longueur peut être utilisée pour un court passage délicats (une petite goulottes à traverser, un obstacle). Parfois en libérant quelques anneaux de buste et en assurant au corps ou sur le piolet.
En traversée, il peut être judicieux de limiter un risque de pendule en positionnant le leader à l’aplomb de la personne à assurer (à condition bien sûr de ne pas augmenter le risque pour le leader).
Quand la pente se raidit, la progression est généralement plus verticale (en pointe avant, ou à » bout de pied »), il peut être nécessaire de lâcher un anneau à la main pour que le second ne soit pas gêné par les crampons du premier. L’utilisation d’un piolet « deuxième main » augmente beaucoup la sécurité de la progression. Pour le leader, il faudra alors lâcher les anneaux à la main pour assurer le second directement au pontet du baudrier, mais avec une corde suffisamment courte et tendue. Pour une cordée expérimentée, ce style de progression questionne l’utilité de la corde et les limites de ce choix de progression. Il est peut-être judicieux alors de changer de mode (ou d’enlever la corde !)…
Pour une cordée de trois.
L’assurage de plusieurs personnes est forcément plus complexe et demande encore plus d’attention. Pourtant cette situation est fréquente, surtout dans les courses de neige.
Il existe une solution, peut souvent utilisée, qui consiste à impliquer la personne du milieu de cordée dans l’assurage du troisième de cordée.
On constitue alors une cordée de trois avec deux premiers de cordée, ce qui permet d’augmenter la sécurité, surtout à la descente, où le leader ne voit pas directement les pieds de la troisième personne. Mais c’est aussi une situation pédagogique intéressante permettant une expérimentation de l’assurage en corde courte.
LE TROISIÈME MODE DE VIGILANCE, « PROGRESSION PAR LONGUEURS » (en rouge).
La pente se redresse, ou le passage d’une rimaye est nécessaire, il est alors nécessaire de progresser par longueur.
Paradoxalement ce mode est moins complexe que les précédents, il nécessite simplement des compétences spécifiques : savoir faire un relais en neige, savoir assurer un premier ou un second de cordée. Ces compétences sont à valider pour tous les membres de la cordée et peuvent facilement être expérimenter préalablement.
Pour le premier de cordée, l’absence de point d’assurage intermédiaire augmente considérablement les conséquences d’une glissade… !
(En expédition, l’utilisation de pieux à neige facilite ce style de progression.)
Une remarque
La progression sur arête de neige est une vigilance spécifique qui reprend forcément des éléments de la vigilance pente de neige.
Une suite…
D’autres articles vont compléter ce propos en présentant des exemples concrets de mise en œuvre. Et aussi des topos de course en mode CSV.
A suivre donc.
Vos commentaires, remarques, et suggestions sont également les bienvenues pour enrichir la Recherche-Action en cours.
N’hésitez surtout pas et merci d’avance pour votre contribution.
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